Culture / Langue

L'ALSACIEN POUR LES NULS


AVANT-PROPOS
     L'alsacien est un parler riche et coloré. Il n'est pas possible sur ce blog d'apprendre la langue, par contre je vais vous communiquer quelques rudiments concernant les exclamations, l'accent et les alsacianismes à intégrer. L'accent peut, au premier abord, paraître un peu lourd certes, mais comme est lourde alors cette argile fertile qu'est le Loess qui s'étend sur la plaine, quand elle colle à nos souliers. Avec très peu de travail, vous arriverez à vous faire passer pour originaire d'Alsace ou ayant vécu longtemps en Alsace et vous verrez aussitôt crédité de qualités telles que : sérieux, ponctualité, ouverture d'esprit. Ces préceptes simples suffisent à produire cet effet car l'actuel occupant (confondant unité et uniformité républicaine ) s'est donné pour mission depuis 60 ans d'éradiquer notre langue et par conséquent, rares sont les Alsaciens qui la pratiquent encore. Lisez attentivement ce qui suit et exercez-vous en vue - par exemple - d'un prochain entretien d'embauche (avec l'accent cela donne en poche car l'Alsacien est un Winner ).


    Une erreur consisterait à imiter l'accent allemand, oubliez Papa Schultz et tous ces clichés, Strasbourg, quoiqu'en aient dit certains et non des moindres, n'est pas en Allemagne. Par contre l'allemand standard sert à écrire l'alsacien et à homogénéiser une langue qui est pratiquée différemment selon que l'on vient de la Haute Bruche ou du Sundgau. Amis Français de l'intérieur, lisez attentivement les articles ci-dessous, vous y trouverez le nécessaire de trucs et astuces pour vous fondre dans le paysage linguistique et optimiser ainsi vos chances de survie.
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Parents et générations
En Alsace, le père de famille ( d’r vàtter ) est familièrement appelé Papa ( Pàpa, prononcer popa ) par ses rejetons. Le grand-père ( d’r grossvàtter ) sera affectueusement désigné par : Papapa ( prononcer papapa ). En échaffaudant hâtivement un principe à partir de ce qui précède, le profane supposerait alors qu’il suffit d’ ajouter la syllabe «pa» pour indiquer la génération. L‘arrière grand-père serait alors un «papapapa», et, en tenant compte de l’allongement de la durée de vie, on arriverait même dans certains cas à un «papapapapa». C’est évidemment ingérable ( même si le lobby des orthophonistes m’assure du contraire ) et nous nous verrions par ailleurs suspectés de maltraitance s’il advenait que, par les effets navrants d’un sort capricieux, l‘ enfant qui se voit contraint d’interpeller son arrière arrière grand père, est affligé en plus de bégaiement. Heureusement L’Alsacien dans sa grande sagesse se contente donc d’appeler son père et son grand-père et oublie prudemment les plus anciens dans une maison de retraite.
Du côté féminin, c’est sensiblement le même mode qui opère, ainsi la mère (d’ müatter) est appelée Màmma
( prononcer approximativement moma ), la grand-mère (d’Groosmüatter) est la Mamama, et on s‘arrête là. Les seules exceptions recencées à ce jour sont Mamamama Ma Baker chantée par Poney M ( groupe disco ) et la Mamamamama Marylène qui semblait enthousiasmer particulièrement un autre groupe de ces folles années, les Martin Circus. Le terme générique pour désigner une mémé est «Màmmi» qu’on prononce momie, ce qui, je vous en donne ma parole, ne révèle aucune intention à visée vexatoire.



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ON ATTEND SUR VOTRE VISITE…

Cher touriste, visiteur ou simple lecteur de ce blog, vous aurez maintes occasions de vous étonner des alsacianismes que vous percevrez lors de votre séjour. Parmis ceux-ci - vous en trouverez d’autres sous l’onglet «culture/langue» - il en est un qui donne des résultats amusants. Vous aurez ainsi l’occasion d’entendre certains locaux, plantés à une station, attendrent sur le tram (mais qu’est ce qu’il fout ?), tel employé faisant les 100 pas devant un immeuble de bureaux, attendre sur sa collègue, qu’elle ait fini de bavarder avec les autres pipelettes du service expédition et qu’ils aillent enfin déjeuner tous les deux parce que sinon il va y aller tout seul car faute de quoi toutes les tables du restaurant seront prises et qu’il a trop faim, qu’il est presque midi vingt, qu’il risque de plus y avoir de tarte aux pommes avec le babbala (de la crème mélangée à du jaune d’œuf ) et qu’il est pressé parce qu’il doit être de retour au travail à 2 heure pile pour transférer le Powerpoint sur le pc de la salle de réunion avant le priefing avec les commerciaux; ou tel autre se réjouir dessus en évoquant un événement heureux à venir (soit donc un festin, un banquet, un repas… ). Est-il nécessaire de préciser que la situation de surplomb évoquée est purement fictive et qu’en scrutant aux pieds du parleur vous ne trouverez nul indice confirmant la position supérieure induite par ses allégations. Bien plus qu’une maladresse, qui serait le signe involontaire d’une inadaptation à la culture française qui malgré force séductions déroulées à coup de rouleau compresseur jacobin n’aurait pas encore réussi à gagner totalement les esprits ce qui est parfaitement inconcevable, sachez qu’il s’agit là d’une trace discrète mais réelle de l’attachement de l’Alsacien à sa singularité ainsi que d'une aptitude à savoir rire de lui-même. A défaut de tous parler notre langue, nous en cultiverons les accidents, si ce n’est pas grand chose, ce n’est pas rien non plus.

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NOMMER LES ANIMAUX
Vous aurez maintes occasions de vous étonner des effets du particularisme langagier local, dont certains d’une franche et surprenante étrangeté. L’exemple ci-dessous rend compte de la manière dont la génération d’après guerre, impactée par le prestige - et donc l’autorité - grandissant des médias de masse, à adapté son langage en fonction de ces nouvelles références. Ainsi, les animaux de compagnie - ou pas - et particulièrement la gent canine, se sont vus rebaptisés au profit des nouveaux héros promus par la TV, le cinéma ou la BD. Afin de vous démontrer ce phénomène nous avons soumis une pimpante septuagénaire à un petit test sous forme de diapositives (on aime le low-tech chez nous) dont elle devait désigner librement l’objet, voici le résultat :


L’Alsacien(ne) ne reculant devant aucun effort, n'hésitera pas à pousser cette logique jusqu’à ces retranchements les plus absurdes, regardez Pluto (comme disaient les nuls) :


Par contre, un chien au pédigrée plus indéterminé, corniaud ou bâtard, et qui n’aura pas, de ce fait, bénéficié de son quart d'heure de célébrité, se verra immanquablement affublé d’une appelation générique bien moins glorieuse :

Jusqu’où va se nicher (?) l’idée de classe sociale, je vous jure… Heureusement que LovelyElsa est là pour vous en révéler les effets induits sournoisement par un Hergé ou par les films américains des années 50, qu'on ne saurait, ni l'un ni l'autre, soupçonner de sympathies marxistes !
Je m'égare, je m'égare… Quoiqu'il en soit, si vous venez de l'étranger (la France par exemple) et désirez vous intégrer surtout n'hésitez pas; en voyant un kangourou dites "un Skippy", si vous croisez un dauphin exclamez-vous par un "Yéééh un Flipper !" ou encore si vous voyez un faon, un "Yeuuuh ! Un Pampi !" fera le meilleurs effet auprès de votre auditoire. A bientôt les amis pour encore plus d'excellents conseils…

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E Friehjohr fer unseri Sproch 
Un printemps pour notre langue
Une seule hirondelle ne suffit pas à faire le printemps, pas même celui d'une langue… Soyez nombreux alors à vous joindre à cette opération qui s'étend sur toute le territoire alsacien jusqu'à la fin juin. Pour les détails du programme : http://www.friehjohr.com/fr

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Appel en faveur d’une Charte linguistique pour l’Alsace

Une langue ne saurait vivre et survivre sans statut lui assurant une existence sociale, économique et culturelle, seul à même de la promouvoir sur le marché linguistique.
C’est essentiel !
http://www.ica2010.fr/
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LES EXCLAMATIONS
Les quelques interjections basiques ci-dessous seront utiles à votre imposture, qui passera inaperçue si vous veillez à les employer au cours de circonstances équivalentes à celles illustrées par les exemples (en italiques).

Yééééh
Curiosité teintée d’étonnement.
"Yéééh ?!? Mais c’est quoi ces poteaux ? Aaah, c’est de l’art contemporèt* ?!?"
(spéciale dédicace aux Mulhousiens )

Surprise heureuse, ravissement.
"Yéééh tu m’as fait des fleïschschnakkas pour mon anniversaire !"

Crainte nuancée de désaprobation
"Yééééééééh… t’as normalement pas le droit d’acheter tes clopes en Allemagne !"

     Exclamation proche : Yésséss ( Jésus, comme dans «doux Jésus !» )

Yoooh
Consentement mesuré, voire résigné
"Yoooh, si tu y tiens, on va la voir, cette compétition de curling"

Désapointement un brin fataliste
"Yoooh, tu sais comment il est quand il a pas bu !"

A moins qu’il ne soit suivi d’un «neï» (prononcer «naille») auquel cas il signifiera «oh non» et marquera une consternation un brin agacée ou du découragement
"Yoh neï ! Je vais encore devoir travailler plus pour gagner plus parce que l’essence et le loyer sont de plus en plus cher…"

 
Yah
= Oui
Je laisse à votre discrétion son utilisation selon les circonstances.

 
Yeuuuh
Attendrissement
"Yeuuuh comme il est choli ton collier de coquillettes ! Mais tu n’aurais peut être pas dû les faire cuire…"

  Compassion
"Yeuuuuh le pôvre, il a fait faillite !… "

Voire profonde tristesse
"Yeuuuh, il a plus que 3 pattes…"

Voila quelques premières clés pour favoriser votre intégration. N'hésitez pas à revenir sur ces pages pour en découvrir de nouvelles au fil des actualisations.


* voir leçon : L’ACCENT

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L'ACCENT
     L'Alsacien présente quelques phonèmes de plus que le Français de l'intérieur ce qui est excellent pour ouvrir de nouveaux circuits neuronaux. Des sons se situant entre le (a) et le (o) entre le (è) et le (in) caractérisent notre langue et peuvent demander un peu de travail pour les prononcer. Essayer en chantant, commencez par émettre en étirant le son (aaaaa ) et glissez doucement vers le (oooo), entre les deux vous entendrez le (auo). Même chose pour le son (è) que vous amènerez vers le son (in) et qui générera le son (èt). Pensez à vérifier que la porte de votre bureau est fermée, sinon vos collègues vont penser que vous avez un Flacka ou un Schpecker (soit un grain - prononcez grèt ).

Voyons ce que cela donne:


A bientôt pour de nouveaux exercices !